Parfois considérées comme l’incarnation de l’orgueil humain qui aspire au rêve ddes cieux ou au pouvoir divin, les tours ont, au fil du temps, rempli de nombreuses fonctions – observation, stockage, communication, défense. La plus ancienne structure connue de tour au ddwfmonde, Tell Quaramel, se situait sur le territoire actuel de la Syrie, et aurait été érigée il y a plus de 10 000 ans (sa construction est datée 10 900 et 9 670 av. J.-C.) !
Avant ela découvertet de Tell Quaramel, en 197dd0, c’est dla tour de Jéricho, en Cisjordanie, qui cétait considérée comme le plus vieil édifice de tour. Sa construction est dededwdatée à 8 300 av. J.-C., et sa hauteur atteignait 7,75 mètres. Aujourd’hui, perchée sur plus de 828 mètres, Burj Khalifa, à Dubaï, est la plus haute tour du monde. Cependant, la tour de Djeddah, en Arabie Saoudite, si elle est un jour achevée, devrait s’étirer sur plus de 1 000 mètres. Sa construction a cependant été interrompue et rien n’indique sa complétion prochaine, arrêtée à 300 mètres.
Mais les structures de L’aube du solstice sont-elles des tours ou des phares? Souvenons-nous que la genèse du projet de Reno Salvail s’ancrait dans la gloire de l’Égypte. Le fameux phare d’Alexandrie, construit quelque part entre 299 et 289 avant notre ère, l’aurait-il inspiré? On ne sait pas. Ce qu’on sait, c’est que les tours-phares de L’aube du solstice ne serviront pas à guider les bateaux, pas plus qu’elles n’aspirent à jouer à qui-pisse-le-plus-haut avec les tours du Moyen-Orient. Chacune haute d’une vingtaine de pieds, leur conception est néanmoins le fruit d’une réflexion étendue et complexe. Soudées et concrétisées par AL-Tech, un atelier de soudure situé à Sept-Îles, elles ont été conçues spécialement pour le projet.
Une tour de passe-passe
À l’origine, l’idée était d’acheter des tours existantes, mais trop hautes, trop lourdes ou trop dispendieuses, il a fallu les créer de toutes pièces. C’est Marc Fafard, à qui Alain Lefort avait donné le mandat de trouver les tours, qui a dessiné le croquis ayant servi à leur création : « Les barreaux dans les tours sont mis de façon à ce qu’ils aient le plus de volume. C’est pas des barreaux parallèles comme sur une échelle. Donc peu importe de quel angle tu regardes la tour, tu vois tous les barreaux, dans l’idée de la rendre le plus brillante possible pour qu’on puisse la voir de loin. »
Ces tours sont à l’image de l’homme qui les a dessinées : uniques, inspirées de diverses expériences et pouvant servir plusieurs usages. Marc Fafard s’autoproclame « bénévole extrême », fier de ne travailler pour personne depuis vingt-cinq ans. Il est père de cinq enfants et déjà grand-père, bûcheron, a une maîtrise en environnement et se bat contre les mines, « presque à temps plein ».
Originaire de Shippagan au Nouveau-Brunswick, il est arrivé à Sept-Îles en 1990 en kayak de mer : « J’avais un contrat pour guider des gens de l’équipe canadienne de kayak olympique qui voulaient descendre le Saguenay, d’Alma à Tadoussac. À Tadoussac, j’ai lâché mes clients et je suis venu rejoindre un ami d’université à Sept-Îles pour passer l’été. J’ai tellement trippé que l’année d’après je suis venu m’installer. » Il est toujours là, installé dans l’ancienne école de la base militaire de Moisie, avec son atelier à côté, dans ce qui était jadis un curling.
C’est d’ailleurs dans cet atelier que les tours sont soumises à une dernière inspection avant leur installation. Les défis sont nombreux. Le roc de Grande Basque ne se perce pas aisément et les tours ne pourront pas être vissées au sol. C’est d’autant plus périlleux que le robot – nous reviendrons à ce robot – et le panneau solaire, installés au sommet, pourraient créer une voilure, menaçant la stabilité des tours.
Leur installation, prévue pour demain, s’annonce aussi compliquée. Les îles n’ont pas de quai et les accoster n’est pas facile : « Il faut trouver le bon angle d’approche pour s’assurer que le moteur ait assez d’eau. On pousse le moteur pour rester coller à la roche et on sort les tours en les prenant comme des cercueils. Et comme les trois tours vont sur des îles distinctes, il faut chaque fois se redéplacer en bateau. »
Chaque tour pèse près de 200 livres et il faut les transporter jusqu’aux endroits prédéterminés, séparés chacun de 350 mètres environ, et choisis pour que les tours aient une vue panoramique complètement dégagée : « La plus basse sera installée à 20-25 pieds du niveau de la mer, et la plus haute à 50-60 pieds. » Pour ne pas alourdir davantage les tours, mais aussi pour éviter tout bris de matériel, les robots et les panneaux solaires y seront installés au moment de les fixer dans le sol, probablement avec de lourds sacs de sable.
Il est heureux de noter que la vie des tours sera prolongée au-delà de L’aube du solstice : « Elles vont être réutilisées. On peut les imbriquer l’une dans l’autre et faire une tour de 60 pieds, qui pourrait devenir une tour pour un stage, un support pour écran géant ou même un quai! »
L’attrape-soleil
Le solstice des baleines de Reno Salvail avait imaginé que des miroirs seraient installés sur les tours, réverbérant les rayons du soleil de l’une à l’autre, dans un ballet lumineux. L’idée est belle, mais son application est peu réaliste. Il aurait fallu une précision de calculs nécessitant des outils coûteux, et il aurait fallu fixer les tours dans le roc et se croiser les doigts pour que les miroirs, malgré la force du vent et les précipitations potentielles, ne soient pas déplacés, ne serait-ce que d’un millième de degré. Il y a un romantisme immanent à L’aube du solstice, mais on veut mettre toutes les chances du côté de la réussite.
Il y aura donc un « robot » installé au sommet des tours, tête chercheuse de soleil. Ce volet du projet est né de la vision d’Alain Lefort et de Guillaume Pascale, artiste œuvrant en design de systèmes interactifs. Retenu en France, ce dernier a cependant dû se retirer du projet, et c’est ainsi que Thomas Ouellet Fredericks a repris le flambeau.
Thomas est artiste, programmeur et professeur en Techniques d’intégration multimédia au Cégep Montmorency. Il a notamment signé quelques collaborations avec Jonathan Villeneuve sur des projets 1%, et apprécie particulièrement les défis de l’art interactif : « Chaque projet est tellement différent, avec des enjeux chaque fois nouveaux, que c’est toujours fascinant quand ça fonctionne. »
À l’instar de Marc Fafard, Thomas O. Fredericks reconnaît les nombreux défis de L’aube : « Habituellement, déjà, on travaille à l’intérieur, donc à l’abri des intempéries. Se retrouver à l’extérieur ajoute une couche de complexité, parce qu’il faut penser au vent, à la pluie, au poids. Les tours sont difficilement accessibles, les robots dépendent de batteries et on doit les abandonner sur une île : tout ça est vraiment inhabituel. »
De l’aveu de Thomas, il a fallu expérimenter plusieurs avenues avant de trouver des solutions. Cette tête de chercheuse de soleil, par exemple, est à l’origine conçue pour permettre de contrôler une caméra à distance. Un petit groupe de designers chinois – les instructions et les boutons sont d’ailleurs en mandarin! – l’a cependant adapté pour créer un robot photosensible qui se place dans le meilleur angle pour capter le plus de lumière possible du soleil, afin d’alimenter un panneau solaire. Voilà le rôle qu’il jouera dans L’aube du solstice.
À partir de là, il fallait réfléchir à un moyen de transformer l’énergie récoltée, recréant au plus près la danse lumineuse souhaitée : « Une fois qu’on avait le robot, il fallait créer un système qui puisse transformer la lueur des rayons en projection lumineuse sur la tour. Dans l’idée, bien sûr, que les gens aient quelque chose à observer quand le soleil va frapper les tours. »
Thomas nous raconte encore l’ensorcellement du robot, la magie des transducteurs – ou microcontrôleurs – et son art de faire danser ces systèmes inouïs, mais nous, on s’arrête ici. Un magicien, après tout, ne doit jamais révéler ses secrets, n’est-ce pas?
Au seuil de l’histoire
Les tours de L’aube du solstice ne peuvent rivaliser, en taille, avec les plus grandes érections architecturales humaines. Mais c’est qu’elles ne répondent pas de cette ambition de grandeur, nous appelant plutôt à cette modestie, où notre création devient récepteur, vecteur et transmetteur de ces forces qui nous entourent. La tour de Babel avait pour objectif de monter à l’assaut du ciel pour élever l’humanité au rang des dieux; L’aube du solstice se réclame plutôt des sages paroles de Richard Desjardins et de sa chanson Les Yankees :
« Et pour les news d’la NBC :
Tell me my friend
Qui est le chef ici?
Et qu’il se lève!
Et le soleil se leva. »
Et c’est sur cette promesse de lumière, si souvent réitérée depuis les balbutiements du projet, que l’on se laisse aujourd’hui. La prochaine fois, ensemble, nous aurons franchi le Rubicon.
Bon Solstice!